Étant donné que la plupart des personnes confrontées à des problèmes de santé mentale dans le monde n’ont pas accès à des soins professionnels, les applications mobiles pour la santé mentale ont été identifiées comme une solution prometteuse, économique et extensible. Bien que ces applications mobiles soient de plus en plus nombreuses, il convient de les considérer avec prudence, car seules quelques-unes d’entre elles ont été soumises à des tests rigoureux ou sont fondées sur des données probantes. Parmi les applications fondées sur des données probantes, certaines, comme Wysa, contiennent un chatbot.

L’agent conversationnel Wysa, qui bénéficie d’une note de 4,8 étoiles sur l’App Store, a récemment fait l’objet d’une attention particulière dans la documentation scientifique en tant qu’outil prometteur permettant d’améliorer l’accès à des soins en santé mentale. Wysa est une application mobile accessible au public, avec une version gratuite et une version premium payante.  Selon Beatty et ses collègues (2022), Wysa offre aux utilisateurs un soutien empathique personnalisé, un espace pour s’exprimer librement, ainsi que des outils basés sur la thérapie cognitive et comportementale (TCC). Ces outils basés sur la TCC comprennent des techniques telles que l’activation comportementale et la restructuration cognitive. Selon Inkster et ses collègues (2018), Wysa utilise ces techniques fondées sur la TCC pour soutenir la gestion de l’anxiété, des conflits, du sommeil, de la concentration, du chagrin, des inquiétudes et d’autres problèmes. Les utilisateurs ont également accès à plusieurs interventions cliniques, notamment la thérapie par la parole, l’éducation aux pratiques d’autosoins, les techniques de pleine conscience, des stratégies de relaxation et la tenue d’un journal de gratitude.

Le fonctionnement interne de Wysa a été décrit dans trois études, l’une publiée en 2018, l’autre en 2021 et la dernière en 2022. À l’aide d’une interface conversationnelle textuelle, Wysa demande d’abord des informations sur les émotions et le bien-être de l’utilisateur, qui peut ensuite choisir de converser sur n’importe quel sujet. Cet agent conversationnel en texte libre peut gérer des données complexes, car le modèle d’intelligence artificielle (IA) créé par des cliniciens a une compréhension étendue d’un large éventail d’émotions. Les réponses ne sont pas générées par l’IA; Wysa utilise plutôt des techniques d’intervention créées par l’équipe interne. Tous les contenus et techniques sont approuvés par le conseil scientifique de Wysa. Grâce à cette écoute et à ce soutien guidé par l’IA, l’application Wysa aide les utilisateurs à développer une expression positive de soi et une plus grande résilience.

Dans leur étude observationnelle, Inkster et ses collègues (2018) ont examiné l’efficacité de Wysa pour les personnes présentant des symptômes dépressifs autodéclarés. Par rapport aux utilisateurs peu engagés, les utilisateurs fortement engagés ont rapporté des améliorations significatives de leurs symptômes dépressifs après avoir utilisé Wysa quotidiennement pendant deux semaines. Il faut toutefois reconnaître que l’étude ne comportait pas de randomisation ni de groupe de contrôle non exposé à l’intervention. En outre, la taille des échantillons pour les utilisateurs peu engagés et les utilisateurs très engagés était petite. Il est donc possible que le faible engagement résulte d’une faible efficacité (qui aurait entraîné un manque de motivation), plutôt que l’inverse.

En outre, dans leur analyse des commentaires des utilisateurs sur le Google Play Store, Malik et ses collègues (2021) ont constaté que l’application faisait l’objet d’une majorité d’évaluations positives. L’application a été jugée acceptable, facile d’utilisation et utile. Les commentaires au sujet de Wysa faisaient l’éloge des exercices engageants, de sa capacité conversationnelle, de l’absence de jugement, de sa facilité d’accès et de son efficacité dans l’amélioration de la santé mentale.

D’autres ont observé que les réponses de Wysa manquaient de fluidité, ce qui peut avoir un impact sur la qualité de la conversation. Dans une étude, Legaspi Jr et ses collègues (2022) ont évalué dans quelle mesure Wysa pouvait influencer le bien-être des étudiants. Dans leur évaluation de Wysa, ils ont examiné six critères évalués par les utilisateurs, soit la pertinence des réponses, la qualité des affects manifestés, la capacité à imiter une interaction humaine (ou « ressemblance humain »), l’ouverture, l’utilité et la satisfaction de l’utilisateur. Parmi ces critères, la ressemblance humaine a reçu la note moyenne la plus basse, et ce dans une large mesure. Le flux de conversation rigide semble poser un défi dans la communication avec Wysa, laissant parfois les utilisateurs avec le sentiment d’être négligés lorsque le chatbot ne reconnaît pas correctement leur discours.

D’autre part, dans leur analyse des conversations des utilisateurs avec Wysa, Beatty et ses collègues (2022) ont découvert des éléments d’attachement, tels que la gratitude, un impact positif et l’attribution de qualités humaines au chatbot (p.ex., la bienveillance, le caractère aidant et l’absence de jugement). Selon ces chercheurs, les scores d’alliance thérapeutique se sont améliorés au fil du temps et étaient même comparables aux scores rapportés dans les études sur la psychothérapie conventionnelle en face à face. Définie comme un partenariat thérapeute-client fondé sur la confiance et la collaboration en vue d’atteindre les objectifs du client, l’alliance thérapeutique est l’un des mécanismes de changement les plus importants en psychothérapie.

Les chatbots tels que Wysa sont susceptibles d’atténuer les défis importants associés aux soins de santé mentale traditionnels, notamment les questions d’accessibilité, de stigmatisation et de coût. Néanmoins, ces ressources ne devraient servir que de soutien complémentaire ou intermédiaire plutôt que de substitut complet aux professionnels de la santé mentale, en particulier pour les personnes aux prises avec des difficultés psychologiques sévères. Dans l’avenir, des études plus rigoureuses devraient être menées pour mieux documenter l’efficacité des agents conversationnels guidés par l’IA tels que Wysa.